Sommaire

 Enlisement ou croissance en Europe :

Politiques macroéconomiques, politiques structurelles et Modèle social européen

Jacques Mazier

Professeur d'économie, CEPN-CNRS, Université de Paris-Nord

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Depuis le milieu des années 1980 les erreurs dans la conduite de la politique économique en Europe apparaissent comme l’une des principales causes du décrochage de la croissance européenne par rapport à celle des Etats-Unis. Le SME fonctionnait d’une manière asymétrique et faisait supporter le coût des ajustements aux pays à monnaies faibles. En 1985, au lieu d’apporter des réponses aux facteurs de blocage bien réels qui existaient déjà, le choix fut fait de relancer l’Europe par le marché avec le programme du Marché unique. Selon la conception libérale qui prévalut, l’achèvement du grand marché intérieur et le renforcement de la concurrence devaient stimuler la croissance et l’innovation. Au début des années 1990 la libéralisation financière et le fonctionnement de plus en plus rigide du SME ont rendu nécessaire un changement de régime monétaire. Le projet de monnaie unique l’emporta, sans que l’on en tirât les conséquences qui s’imposaient en termes d’organisation de la politique économique. Le projet apparut bancal dès le départ. Mais les avantages de la monnaie unique étaient considérés comme déterminants et les coûts largement sous-estimés. En outre, les modalités de transition vers la monnaie unique adoptées à Maastricht en décembre 1991 contribuèrent, avec le contre-coup de la réunification allemande, au blocage de la croissance européenne durant la longue période de transition de 1992 à 1998. Après l’embellie éphémère des années 1998-2000, les facteurs de blocage ont joué à nouveau à plein et les risques d’enlisement sont réapparus. Les systèmes de protection sociale, qui, selon des spécificités propres à chaque pays, étaient un des fondements des sociétés européennes, sont progressivement remis en cause. L’UE est d’autant plus au pied du mur que l’élargissement aux pays de l’Europe de l’Est constitue un défi supplémentaire.

Le projet de Constitution européenne est une tentative de réponse critiquable à bien des égards. En s’en tenant au seul plan économique, ce projet s’inscrit dans la conception libérale de la construction européenne qui continue à prévaloir. Il risque de déboucher sur une paralysie persistante de l’UE enlisée dans la croissance lente et la montée des inégalités (1). Des propositions alternatives sont esquissées en mettant l’accent sur les politiques macroéconomiques et le Modèle social européen (2) et sur les politiques structurelles (3). Elles semblent toutefois éloignées de ce qui peut être raisonnablement attendu dans une UE à 25. Des pistes nouvelles pourraient être explorées dans le cadre d’une Europe fonctionnant de manière différenciée, mais capable de préserver une politique de cohésion et de se mobiliser autour de grands programmes structurants (4).

 

  1. Le projet de Constitution : les risques d’enlisement

 

Le projet de Constitution présente peu d’avancées dans le domaine des politiques économiques et sociales. Plus grave sans doute, en les inscrivant dans la Constitution, il donne plus de poids à des principes pourtant largement critiqués.

Le Pacte de Stabilité et de Croissance (PSC) est maintenu sans changement bien que les années 2002-2004 aient clairement montré ses effets pervers. Les fondements théoriques du Pacte de Stabilité sont des plus contestables (Créel, Latreille et Le Cacheux, 2002 ; Bénassy-Quéré, 2003 ; Mathieu et Sterdyniak, 2003). Le PSC a, en principe, deux fonctions dans le cadre d’une union monétaire, éviter l’insolvabilité d’un Etat membre et éviter que le laxisme budgétaire d’un pays n’entraîne des externalités négatives à travers une hausse des taux d’intérêt. Ces deux fonctions sont mal remplies par les instruments actuels du PSC.

La surveillance du ratio d’endettement public en % du PIB suffit à prévenir les problèmes d’insolvabilité. Les règles de 3% du PIB de déficit public et de convergence vers un équilibre budgétaire à moyen terme ne tiennent pas compte des marges de manœuvre dont disposent les Etats peu endettés. Elles n’intègrent pas non plus les effets positifs sur la croissance des investissements publics ou des dépenses de recherche et d’éducation qui se trouvent laminés par les contraintes du PSC. S’agissant des externalités sur les taux d’intérêt, le critère du déficit public est également inadapté. Ces externalités ne se manifestent que s’il y a une hausse des prix plus forte ou une ponction prononcée sur l’épargne de la zone. Le ratio le plus approprié pour juger de ces effets est le solde courant en % du PIB qui intègre à la fois les ajustements de l’épargne publique et privée et de l’investissement. Un pays, comme l’Allemagne, qui a, à la fois, un déficit public significatif, mais un fort excédent courant ne devrait pas être concerné. Le maintien du PSC sous sa forme actuelle a peu de justifications sérieuses et constitue un premier facteur d’enfermement des économies européennes dans la croissance lente. Les assouplissements envisagés par la Commission en 2004 ne constituent qu’une réponse très partielle.

L’indépendance de la BCE est confortée avec pour seul objectif, la stabilité des prix (moins de 2% d’inflation). Le statut de la BCE est sans équivalent dans le monde. En l’absence d’une autorité fédérale en Europe, l’autonomie de la BCE en matière de politique monétaire et de change est plus large que celle de la FED aux Etats-Unis ou que ne l’était celle de la Bundesbank. Si la politique de change relève dans les faits de la seule BCE, les évolutions de l’euro n’ont guère été maîtrisées depuis 1999. Après les effets bénéfiques de la dépréciation initiale de l’euro, le risque d’une surévaluation durable de l’euro ne peut plus être écarté depuis 2004. Les améliorations apportées au fonctionnement de l’Eurogroupe sont modestes. Le problème de la représentation extérieure de la zone euro n’est pas réglé. A la différence des Etats-Unis, aucune référence n’est faite à un objectif de préservation de la croissance et de l’emploi. La politique monétaire commune est inadaptée face à des pays connaissant des évolutions asymétriques. Elle est trop restrictive pour des pays confrontés à la récession, trop accommodante pour des pays soumis à des pressions inflationnistes. Cette conception générale de la politique monétaire est un second facteur peu favorable à la préservation de la croissance.

Les règles de la concurrence sont réaffirmées avec des références répétées aux principes d’une économie de marché ouverte et d’une concurrence non biaisée. Les aides étatiques font l’objet d’une mention spécifique pour délimiter étroitement celles qui demeurent compatibles avec le marché intérieur. A l’opposé les interventions susceptibles d’être engagées au niveau européen pour stimuler l’offre dans les domaines de la R&D, de l’éducation, de l’aide à l’industrie ou des grandes infrastructures sont modestes. Avec des politiques nationales contraintes et des impulsions réduites venant du niveau communautaire, les politiques structurelles ne sont pas en état de surmonter les retards accumulés. Là non plus, il n’y a pas de soutien de la croissance à long terme.

De nouveaux champs de coopération sont cependant introduits, en particulier dans les domaines de l’emploi ou des politiques sociales qui faisaient auparavant l’objet de simples « méthodes ouvertes de coordination », non contraignantes, reposant sur l’échange d’informations et des meilleures pratiques. La prudence de la rédaction du texte, pas de contraintes, ni d’harmonisations, laisse penser que les progrès seront minces par rapport à la situation antérieure. Rien n’est prévu en matière de politique salariale qui constituerait pourtant un enjeu important dans le cadre d’un policy mix élargi. Le « dialogue macroéconomique », inscrit depuis 1999 dans le processus de Cologne et regroupant la BCE, les gouvernements nationaux et les syndicats européens, a été vidé de sa substance, la BCE se contentant d’afficher ses orientations sans aucun dialogue. Le développement d’un cercle vicieux avec une pression à la baisse sur les salaires et les coûts dans chacun des pays européens contribuant au blocage de la croissance ne relève pas de la simple hypothèse d’école.

Enfin, l’Europe Sociale est théoriquement un objectif de la construction européenne qui s’est traduit par la mise en place des Fonds sociaux et des Fonds structurels ou l’adoption de la Charte sur les droits fondamentaux. Mais la politique sociale relève du seul niveau national. Au-delà de fortes spécificités par pays, elle est au coeur du modèle européen et se trouve menacée de régression à plusieurs titres.  En premier lieu la protection sociale est de plus en plus analysée dans le débat public sous le seul angle des coûts. Les « charges sociales »  doivent être réduites pour préserver l’emploi et accroître la compétitivité. Les contraintes budgétaires,  liées à l’accroissement des dépenses de santé et des retraites, sont présentées d’une manière biaisée pour favoriser des politiques de privatisation. La protection sociale est de plus en plus surveillée par les autorités communautaires du fait de son impact sur les comptes publics. En second lieu les dépenses sociales constituent un nouveau champ pour l’accumulation du capital privé dans des domaines comme les retraites ou la santé. Fondé sur la privatisation un nouveau modèle, plus inégalitaire et souvent plus coûteux, se dessine. La remise en cause de la protection sociale est utilisée pour discipliner la force de travail. C’est le « workfare » par opposition au « welfare ». Enfin la directive Bolkenstein, relative aux services dans le marché intérieur, constitue une menace directe contre la protection sociale et les services publics. Avec l’application du « principe du pays d’origine », elle va favoriser le dumping social.

 

Au total, c’est la construction d’une Europe libérale qui se trouve poursuivie. Si le projet de Constitution, en lui-même, n’accentue pas le phénomène, les problèmes de fonctionnement demeurent entiers, particulièrement au sein de la zone euro. Les facilités de financement des déficits intra-européens en euros constituent un facteur favorable à la croissance dans la zone euro. Mais, avec la disparition du change comme variable d’ajustement, les mécanismes de rééquilibrage face à des évolutions asymétrique apparaissent insuffisants. Les disparités de réaction entre pays face à un choc de même ampleur sont importantes (Mazier et Saglio, 2004). Sans budget fédéral, avec des politiques budgétaires nationales contraintes par le Pacte de stabilité, l’Union monétaire se trouve démunie face à des évolutions asymétriques. La pression sur les prix et les coûts demeure la seule réponse et risque de se renforcer, contribuant à enfermer l’UE dans la croissance lente.

 

Les multiples travaux réalisés depuis plusieurs années pour tenter de faire progresser la coordination ont débouché sur fort peu de résultats opérationnels (Jacquet et Pisani-Ferry, 2000). Les Grandes Orientations de Politiques Economiques (GOPE), présentées chaque année par la Commission, constituent un exercice très convenu, où les orientations libérales sont réaffirmées d’un manière quelque peu répétitive, et sans grande portée pratique. Aucun élément nouveau n’est apporté par le projet de Constitution dans ce domaine.

L’élargissement de l’UE aux Pays d’Europe Centrale et Orientale (PECO) soulève de nouveaux problèmes. Une vision optimiste conduit à minorer l’impact économique de l’élargissement et un supplément de croissance de 4% peut être attendu à horizon de 15 ans dans les pays nouveaux entrants (Bchir, Fontagné et Zanghieri, 2003). Cette vision optimiste doit toutefois être relativisée. Si les pays d’Europe Centrale apparaissent mieux placés, les pays plus périphériques risquent d’être marginalisés (Dupuch, Jennequin, Mouhoud, 2003). Les inégalités régionales et les inégalités de revenus vont sensiblement s’accroître, ce qui pose le problème du devenir de la PAC et de la politique régionale. A la différence des précédents élargissements, le soutien des Quinze a été calculé au plus juste puisque les transferts nets se ramènent sur la période 2004-2006 à un montant équivalent par an à 0.8% du PIB des nouveaux membres.

Le fonctionnement de l’UE à 25 viendra buter sur de multiples facteurs de tension dans les années à venir. La tendance de l’UE à se transformer en une zone de libre échange soumise au seul jeu de la concurrence sera renforcée. Comme dans les années 1980 et 1990, la croissance sera peu au rendez-vous. Une telle construction correspond assez bien au schéma libéral : un vaste marché unique, une BCE indépendante garante de la stabilité des prix, un marché financier unique en cours de constitution, une politique de la concurrence et une politique commerciale servant d’aiguillons pour impulser de nouvelles mesures de libéralisation, un Budget communautaire plafonné, des Etats nationaux paralysés par les contraintes budgétaires. La faiblesse de la croissance sera en partie compensée par les opportunités nouvelles d’investissement que la libéralisation et la privatisation des services publics continueront à ouvrir au capital privé. L’accroissement des inégalités au niveau des revenus et au niveau des régions fera des perdants, mais aussi des gagnants. L’absence de croissance, la persistance des tensions sociales, les blocages au niveau des politiques européennes, le retard pris au niveau des nouvelles technologies n’en posent pas moins problème. C’est dans ce contexte que doivent être resituées les propositions du rapport Sapir (2003) visant à dynamiser la croissance européenne. Ces propositions forment un ensemble cohérent dans le cadre des contraintes budgétaires actuelles mais constituent une vision minimaliste de la relance européenne.

 

 

  1. Esquisse d’un cadre alternatif : la dimension macroéconomique

 

Prétendre apporter des réponses à l’ensemble des questions soulevées est hors de propos. Tout au plus peut-on esquisser quelques orientations générales concernant à la fois le cadre macroéconomique, le Modèle social européen et les politiques structurelles relevant du moyen terme[1]. Si les choix alternatifs de politique économique peuvent être explicités assez simplement dans leurs principes, les conditions de mise en œuvre apparaissent plus problématiques. Une distinction est nécessaire entre l’UE élargie où les risques de paralysie sont grands et où la cohésion devrait être préservée en priorité et un champ plus restreint où des initiatives plus délimitées pourraient être engagées.

La politique alternative repose sur la montée en régime progressive d’une politique budgétaire européenne susceptible à la fois de jouer un rôle de stabilisation et de redistribution et de permettre le financement de politiques structurelles plus actives. La conduite du policy mix est facilitée par une réforme du Pacte de stabilité, un élargissement des objectifs de la BCE et une prise en compte des politiques salariales. Le Modèle social européen est réaffirmé comme un élément central. Le renouvellement des politiques structurelles au niveau communautaire concerne la politique de la recherche et la politique industrielle pour impulser la croissance à moyen terme, les politiques agricole et régionale qui doivent être maintenues, mais réformées en profondeur et la politique commerciale.

 

L’amorce d’une politique budgétaire européenne

 

Concernant la politique budgétaire, la mise en place d’un Budget fédéral serait en théorie le mode de réponse le plus approprié mais est hors de portée. Deux pistes alternatives peuvent être explorées simultanément.

La première passerait par un accroissement modeste et progressif du Budget européen, pour atteindre environ 5% du PIB à horizon de quelques années. Des ressources propres devraient être dégagées au niveau européen à partir de certains impôts bien adaptés à cette fonction : impôts sur les revenus de l’épargne et sur les profits des entreprises, ce qui permettrait de limiter les effets de la concurrence fiscale ; taxe sur les transactions financières ; taxe sur les émissions de CO2. En contrepartie des dépenses nouvelles seraient effectuées au niveau européen dans des domaines tels que la recherche, les réseaux trans-européens ou la lutte contre la pollution. La taille limitée du Budget européen ne lui permettrait toutefois que de jouer un rôle modeste en matière de stabilisation en cas de chocs asymétriques.

Pour faire face à de tels chocs, un Fonds de stabilisation de l’emploi pourrait être créé s’inspirant de schémas anciens élaborés par la Commission elle-même (Italianer et Pisani-Ferry, 1992). En cas de hausse du taux de chômage plus rapide dans un pays que dans la moyenne européenne, le pays concerné bénéficierait d’un transfert (automatique ou à négocier) en provenance du Budget européen. D’après les estimations effectuées, avec des transferts plafonnés à 2% du PIB, le coût moyen annuel à la charge du Budget européen serait de l’ordre de 0.23% du PIB. En cas d’un choc négatif de –1% du PIB, l’effet stabilisateur (et redistributif) serait de l’ordre de 0.18% du PIB, c’est à dire comparable à l’effet obtenu aux Etats-Unis par l’intermédiaire du Budget fédéral.

La deuxième possibilité serait d’accepter un déficit du Budget européen. Ce déficit financé par émission de titres demeurerait d’un montant modeste, de l’ordre de 1% du PIB communautaire, afin que le service de la dette ne pèse pas trop lourdement dans le futur. Avec un endettement plafonné à 10% du PIB, le service de la dette ne dépasserait pas à long terme 0.35% du PIB. Une autre solution, plus facile à mettre en œuvre, serait d’élargir les possibilités d’emprunt au niveau de la BEI et de la BERD. Les sommes ainsi collectées pourraient être reversées aux Etats membres en cas de conjoncture globalement défavorable (choc symétrique) pour financer des programmes nationaux spécifiques. De tels programmes seraient plus aisément mobilisables que des grands travaux pour impulser des mesures de relance. Ces reversements pourraient également se faire en cas de chocs asymétriques selon une procédure proche de celle du Fonds de stabilisation de l’emploi.

Enfin, le Pacte de stabilité devrait être réformé en tenant compte de certaines des propositions avancées (norme d’endettement public net en % du PIB, norme de balance courante soutenable, pragmatisme dans le dispositif de surveillance en prenant en compte les effets de la conjoncture).

 

Indépendance de la BCE et renforcement de la coordination

 

Concernant la politique monétaire, l’absence de tout contrôle démocratique, qui n’a pas d’équivalent ailleurs, constitue un problème majeur. Ce problème est difficile à régler tant qu’il n’existera pas d’autorité supranationale en Europe à la légitimité clairement établie. Une solution ne pourra être trouvée qu’au terme d’un long processus de maturation politique en raison des oppositions existant au niveau des Etats-nations pour passer à un système clairement fédéral.

L’objectif retenu par la BCE en matière de stabilité des prix (un taux d’inflation compris entre 0 et 2%) pose problème. Il contraste avec l’objectif adopté par le Chancelier britannique (entre 2.5 et 3.5%) et avec les positions encore moins contraignantes de la Banque fédérale américaine. Un tel choix devrait faire l’objet d’un débat public approfondi avec les interlocuteurs politiques. Une éradication trop poussée de l’inflation peut contribuer à enfermer une économie dans la « trappe à liquidité », comme l’a illustré l’exemple japonais. Une stabilité des prix complète limite l’efficacité de la politique monétaire comme instrument de soutien de l’activité.

Plus fondamentalement, l’élargissement de l’objectif de la BCE au plein emploi et à la cohésion sociale contribuerait à replacer l’emploi au centre des préoccupations de la politique économique. Un tel changement faciliterait les problèmes de coordination et ne ferait qu’aligner la BCE sur les objectifs d’autres banques centrales comme la Réserve Fédérale américaine.

Les modes d’intervention de la BCE devraient, par ailleurs, être élargis à l’image de ce que sont les moyens d’action des Banques Centrales anglo-saxonnes. Dans ces pays la Banque Centrale peut acheter (ou vendre) et détenir en propre des titres d’Etat ou d’Agences fédérales et non simplement les détenir en pension, sous forme de simple garantie, dans le cadre des opérations de refinancement effectuées en faveur des banques commerciales. Elle peut ainsi intervenir plus directement dans le processus de création de liquidités pour soutenir l’activité ou freiner les pressions déflationnistes lorsqu’elle considère que les demandes de refinancement de la part des banques sont insuffisantes. Une telle possibilité a été explicitement exclue dans le cas de la BCE, notamment en raison de l’opposition déterminée de la Bundesbank par crainte des dérapages inflationnistes liés à une création monétaire excessive. Une réévaluation plus sereine de cette question serait nécessaire.

L’instabilité sur le marché des changes souligne un autre défaut majeur des institutions monétaires européennes : l’absence de toute orientation claire en matière de politique externe. La politique de change est, en pratique, entièrement entre les mains de la BCE, le Conseil européen ne pouvant intervenir que dans des circonstances exceptionnelles, par exemple en cas de « désalignement manifeste ». Le problème épineux de la représentation internationale de la zone euro ne fait qu’accroître la difficulté. Il serait essentiel que la politique de change soit réappropriée par le Conseil et l’Eurogroupe. La désignation d’un « Monsieur Euro », comme représentant du Conseil, symboliserait cette nouvelle répartition des rôles. En termes généraux la politique de change pourrait se fixer comme objectif l’établissement de « zones cibles flexibles » entre les principales devises avec des marges de fluctuation plus ou moins larges autour de parités de référence calculées à partir de taux de change d’équilibre fondamentaux (Couharde et Mazier,  2001).

L’explicitation d’une politique de change rendrait aussi plus cohérente l’élaboration du policy mix. Les principes démocratiques seraient en outre mieux respectés puisque le Conseil, en tant que représentant des gouvernements nationaux, est le seul à avoir une légitimité démocratique incontestée. On se rapprocherait ainsi des schémas institutionnels qui prévalent aux Etats-Unis ou au Japon où la responsabilité de la politique de change n’est pas du seul ressort de la Banque centrale. Cette question est évidemment d’une grande actualité en 2004 et 2005.

La situation conjoncturelle actuelle montre l’acuité des problèmes résultant de l’absence de mécanismes de coordination en Europe et du statut de la BCE. Des progrès pourraient être réalisés dans plusieurs directions : une meilleure coordination des politiques budgétaires nationales entre elles dans la lignée des efforts effectués depuis la fin des années 1990 avec le développement de la pratique de la programmation budgétaire pluriannuelle et un rapprochement des procédures budgétaires nationales ; l’amorce d’un fédéralisme budgétaire et l’acceptation d’un déficit du Budget européen; l’articulation entre les politiques budgétaires et la politique monétaire à travers un renforcement des capacités d’intervention de l’Eurogroupe.

 

La réintroduction de la politique salariale

 

Conformément à la doctrine libérale selon laquelle la détermination des salaires se fait d’une manière décentralisée, les mécanismes de formation des salaires ont été largement ignorés jusqu’ici. Le risque existe qu’une décentralisation trop poussée des négociations salariales conduise à des dynamiques déséquilibrantes. Une meilleure prise en compte de l’évolution des revenus apparaît comme une condition nécessaire pour améliorer la conduite du policy mix au niveau européen. Une coordination des évolutions salariales au niveau européen pourrait passer par l’instauration d’un système de négociation à plusieurs niveaux fondé sur une anticipation du taux d’inflation, mais intégrant les spécificités nationales et des considérations sectorielles. De tels arrangements pourraient prendre appui sur des pratiques déjà existantes dans les pays européens à tradition social-démocrate. L’expérience des « pactes sociaux » signés dans plusieurs pays européens aux structures sociales fort diverses pour satisfaire dans les délais requis aux critères de Maastricht devrait également être valorisée.

L’intégration des rémunérations dans les négociations collectives avec une dimension communautaire pourrait prendre des formes diverses dans chaque pays en fonction de leurs traditions propres (négociations régionales de branches en Allemagne, négociation interprofessionnelle en Suède, négociations de branches aux Pays-Bas, « pactes sociaux » ailleurs). Des évolutions salariales différenciées par pays devraient en résulter, en préservant, au terme d’une démarche d’apprentissage progressive, une cohérence avec les composantes du policy mix. Le « dialogue macro-économique » inscrit dans le processus de Cologne, mais resté lettre morte, pourrait ainsi être réhabilité.

 

La réhabilitation du Modèle social européen

 

Les systèmes de protection sociale constituaient, sous des formes contrastées d’un pays à l’autre, une des bases du Modèle social européen qui le différentiait clairement des modèles américain ou japonais. Face aux contraintes budgétaires les pressions se sont renforcées pour « moderniser » ces systèmes en mettant l’accent sur les responsabilités individuelles et en faisant davantage supporter les contraintes financières par les individus. Il en a résulté une tendance à la privatisation et à la délégation à des acteurs financiers, plus ou moins avancée selon les pays. La directive Bolkenstein, relative aux services dans le marché intérieur, menace la protection sociale et les services publics.

A l’encontre de ces évolutions la notion de Modèle social européen doit être réhabilitée en retenant trois piliers : le plein emploi mais avec des emplois correspondant à la qualification des salariés et leur assurant une juste rémunération ; une protection sociale face à la vieillesse, la maladie et les accidents reposant sur un large système de Sécurité Sociale ; l’équité sociale, c'est-à-dire l’absence de discrimination sociale et d’inégalités excessives aussi bien en matière de revenus que de développement spatial et l’accès à des services publics de qualité.

Cette notion de Modèle social européen s’oppose au « modèle américain » d’essence plus libérale, plus inégalitaire et moins solidaire, reposant davantage sur des fondements individualistes et où les mécanismes de marché et la concurrence constituent la règle. Elle s’oppose aux orientations affichées dans certains des textes récents de la Commission. Elle peut se décliner selon des formes différenciées dans chaque pays en fonction de leurs traditions et de leurs expériences passées. Une convergence des modèles nationaux n’est pas envisageable à court ou à moyen terme. Le risque existe même que le jeu des disparités croissantes au sein de l’UE élargie et de la concurrence renforcée ne conduise à une remise en cause des fondements du modèle européen. Les tendances à l’œuvre doivent être inversées en montrant que la protection sociale peut être préservée sur la base de systèmes publics plus équitables et tout aussi efficaces que les systèmes privatisés. Cela est vrai pour les systèmes de retraite fondés sur la répartition comme pour les systèmes d’assurance maladie. Ces questions relèvent des choix nationaux mais aussi, de plus en plus, des contraintes et des directives imposées  de Bruxelles. Le rejet ou l’amendement en profondeur de la directive relative aux services dans le marché intérieur apparaît, de ce point de vue, comme un enjeu essentiel.

 

Au-delà, des procédures pourraient être mises en place au niveau européen pour confronter et évaluer les politiques menées dans les différents pays, en s’inspirant de la méthode de coordination ouverte expérimentée dans le cadre de la Stratégie européenne pour l’emploi depuis la fin des années 1990. Des niveaux minima, différenciés par pays, pourraient être fixés à titre d’objectifs par grands domaines (salaire minimum, couverture sociale, retraites). Dans certains cas des procédures plus contraignantes seraient envisageables pour faire respecter des normes minimales, par exemple sur le montant des retraites en pourcentage du revenu par tête. Enfin, dans le cadre d’un Budget européen en progression, un montant compris entre 0.5% et 1% du PIB de l’UE pourrait être dédié à un Fonds social européen qui financerait des transferts sociaux aidant à atteindre certains des seuils minima précédemment fixés, notamment en matière de niveau des retraites ou de couverture sociale. Un tel Fonds s’adresserait en priorité aux pays les moins avancés de l’UE qui s’intégreraient ainsi progressivement au Modèle social européen. On renouerait de cette façon avec la logique de l’harmonisation et de la convergence qui a été à la base de la construction européenne depuis quarante ans.

 

Les politiques de l’emploi constituent un autre domaine où des progrès peuvent être réalisés. Si les politiques de l’emploi ne peuvent en elles mêmes résoudre le problème du chômage, elles jouent un rôle positif en contribuant à aider les groupes sociaux défavorisés, à accroître le niveau de qualification ou à améliorer les conditions de travail. Dans le cadre de la Stratégie européenne pour l’emploi mise en place depuis 1997, la méthode ouverte de coordination a constitué une démarche originale pour  aider à la reformulation des politiques nationales à travers un processus itératif d’échanges d’informations et un effort d’harmonisation dans les objectifs et les programmes. Dans l’ensemble les mesures prises ont renforcé jusqu’ici la tendance vers plus de flexibilité. La méthode peut cependant être retenue et améliorée sous plusieurs conditions. Le cadre restrictif des Grandes Orientations de Politique Economique (GOPE) tel qu’il est actuellement formulé et dans lequel s’inscrit la Stratégie européenne pour l’emploi devrait être abandonné. Les partenaires sociaux devraient être davantage associés et la représentation des salariés renforcée. On ne devrait pas se limiter à de simples objectifs de taux d’emploi et davantage prendre en compte les raisons pour lesquelles les taux de participation de certaines catégories de personnes sont faibles. Les recommandations en faveur de plus de flexibilité devraient être revues à la lumière des résultats médiocres obtenus jusqu’ici. Les politiques actives de l’emploi devraient davantage s’inspirer des expériences des pays nordiques, plus solidaires et offrant des choix plus larges, que des schémas s’inspirant du workfare,  plus marqués par le seul aspect disciplinaire.

 
Il existe à l’état embryonnaire une législation européenne en matière d’emploi, par exemple sur le travail à temps partiel, sur le travail des femmes ou sur l’information et la consultation des travailleurs. Les normes retenues sont cependant peu élevées et peuvent même être utilisées à rebours dans les pays les plus avancés pour justifier un recul dans ces domaines. Dans les pays les moins avancés les conditions d’application ne sont pas contraignantes. Cette situation devrait être inversée en s’appuyant sur le fait que la convergence vers le haut des conditions de travail est un des objectifs inscrits dans les Traités. Une telle évolution, nécessairement progressive, pourrait en priorité concerner les points suivants : renforcer les droits à la formation et à l’éducation des salariés ; améliorer substantiellement  les conditions de travail dans les formes d’emplois atypiques; introduire un salaire minimum dans chaque pays, tenant compte des différences de productivité et qui constituerait un indicateur clé de la convergence vers le haut des pays membres.

 

  1. Le rééquilibrage des politiques structurelles

 

En matière de politiques structurelles le cadre institutionnel européen est marqué par plusieurs tendances lourdes, la prééminence de la politique de la concurrence communautaire, la logique du Marché unique qui privilégie la recherche des économies d’échelle, la faiblesse de la politique de la recherche communautaire, l’absence de politique industrielle au plan européen, le poids prédominant de la PAC et de la politique régionale, le caractère trop libéral enfin de la politique commerciale européenne. L’essentiel des interventions publiques à caractère structurel s’organisent selon des modèles nationaux spécifiques. Mais dans bien des cas la politique européenne de la concurrence exerce une contrainte de plus en plus marquée. Des restrictions sont imposées aux interventions nationales sans être compensées par un élargissement des interventions au niveau européen, conformément à la doctrine libérale. Un rééquilibrage apparaît souhaitable en impulsant une politique de la recherche plus active, en instaurant une politique industrielle au niveau communautaire, en renforçant les services publics, en donnant une orientation nouvelle à la politique régionale, en préservant mais en transformant en profondeur la PAC, en redéfinissant enfin la politique commerciale européenne.

 

Une politique de la recherche plus active

 

Les raisons de la détérioration des performances extérieures dans les domaines des hautes technologies au cours des années 1980 et 1990 sont multiples mais résident, pour une part importante, dans les insuffisances de la politique de la recherche aux niveaux communautaire et nationaux. Par rapport aux politiques américaines dans ces domaines, les politiques nationales appuyées sur des systèmes nationaux d’innovation très diversifiés ont été trop dispersées et ont manqué de coordination. Les volumes de financement ont globalement été insuffisants. L’effort de R&D moyen en Europe représente environ 1.9% du PIB contre 2.5% aux Etats-Unis et au Japon et aucun pays, à l’exception de la Suède, ne dépasse le niveau américain.

Les programmes cadre de recherche et de développement technologique (PCRD) ont souffert de plusieurs handicaps : engagement insuffisant des grandes entreprises qui ont été réticentes à coopérer sur des projets majeurs et n’ont souvent proposé que des projets de deuxième niveau ; complexité de la procédure qui a constitué un obstacle pour les PME ; multiplicité des objectifs peu compatible avec l’unicité des règles ; caractère inadapté de la notion de pré-compétitivité ; effets pervers de la règle de l’unanimité qui a empêché de se concentrer sur les projets prioritaires et a poussé au saupoudrage ; utilisation par certains pays du PRCD comme substitut aux financements nationaux en régression ; faiblesse quantitative enfin (15 milliards d’euros pour le 5ème PCRD de 1998 à 2002 ; 17.5 milliards pour le 6ème PCRD de 2002 à 2006).

Le programme EUREKA est, quant à lui, un mécanisme de coopération intergouvernemental dont la souplesse de fonctionnement est reconnue, reposant sur l’initiative des entreprises et des laboratoires, et à géométrie variable. Il a cependant connu une érosion progressive avec un désengagement de certains Etats, une diminution de la taille des projets financés et une perte de crédibilité financière.

Plusieurs améliorations ont été apportées au cours des dernières années. L’abandon de la règle de l’unanimité depuis juin 1999 a ouvert la voie à une plus grande sélectivité au niveau du PCRD. Le dépassement du critère de pré-compétitivité devrait permettre le financement de projets plus proches de l’application industrielle. Le sommet de Lisbonne en 2000 a affiché une volonté louable de rattrapage dans le domaine de l’économie de la connaissance mais les moyens mobilisés sont restés limités.

 

Il conviendrait d’aller plus loin dans la rationalisation des procédures. Le soutien à l’innovation des PMI sur fonds communautaire devrait être délégué à des relais régionaux pour gagner en efficacité. Certaines aides du PCRD répondent en fait à un objectif de cohésion en faveur de certains Etats et devraient être intégrés dans la politique d’aides régionales financée sur les fonds structurels.

Les procédures du PCRD sont devenues trop complexes et des règles spécifiques devraient être mise en œuvre en fonction des opérations financées : pour la recherche en amont de long terme une plus grande liberté de proposition devrait prévaloir ; pour la recherche industrielle la définition des axes prioritaires reposerait sur une participation continue du milieu industriel avec un engagement réel des plus grandes entreprises ; pour les projets à exécution rapide et pour soutenir plus spécifiquement les PME les acquis du programme EUREKA devrait être mobilisés. Celui-ci, tout en conservant sa flexibilité de fonctionnement, devrait être intégré au PCRD pour surmonter les blocages actuels.

Les mesures nationales de soutien à l’innovation devraient être elles mêmes rationalisées en intégrant mieux les actions communautaires et en évitant les doubles emplois et les concurrences intra-européennes parfois stériles. Le soutien au développement avec des aides remboursables en cas de succès devrait être accru.

 

Il est enfin indispensable de se doter de nouveaux moyens, tant au niveau budgétaire qu’au niveau des instruments mobilisés. Les enveloppes financières du PCRD devraient être revues à la hausse (de l’ordre de 0.4% du PIB de l’UE). Des programmes scientifiques coopératifs pourraient être lancés par grands domaines en s’appuyant sur des budgets et des structures autonomes dotées d’une certaine permanence. Des agences européennes technologiques chargées de promouvoir et de coordonner, directement au niveau européen, les actions dans les domaines des technologies informatiques et des technologies du vivant pourraient être créées. Des organismes publics de recherche européens pourraient être mis en place dans le même esprit.

 

Politique industrielle et grands programmes au niveau européen

 

La notion de politique industrielle trouve difficilement sa place au niveau communautaire et est étrangère à la culture de nombreux Etats membres. Elle n’a été reconnue qu’en 1994 sous le terme de « politique de compétitivité industrielle ». Elle se limite à des mesures à caractère horizontal visant à améliorer l’environnement des entreprises et demeure soumise à la toute puissante politique de la concurrence. Une conception élargie de la politique industrielle apparaît nécessaire et pourrait retenir les axes suivants.

Le principe de grands programmes publics devrait être réhabilité au niveau européen en tirant profit de l’expérience accumulée dans le passé. Plusieurs domaines seraient concernés. Il s’agit d’abord de programmes technologiques portant sur des projets précis, tels que le projet de localisation par satellite Gallileo, relancé au sommet de Barcelone de mars 2002, ou le projet de transporteur de troupes. Ces projets, qui relèvent des hautes technologies, auraient des effets d’entraînement sur un ensemble de groupes européens et de laboratoires de recherche, construisant, par la pratique, des réseaux de coopération.

Il s’agit ensuite de programmes d’infrastructures qui apparaîtraient comme les compléments nécessaires des politiques de libéralisation mises en œuvre dans les services publics. L’Europe pourrait se doter de schémas directeurs dans les domaines des transports, de l’électricité, du gaz, des télécommunications ou de la poste où des programmes d’investissements, financés selon les cas sur fonds publics ou privés, seraient établis. La conduite des travaux ne relèverait plus de la coordination intergouvernementale mais d’opérateurs européens, dotés de budgets autonomes et chargés de la réalisation des projets individuels. Les transports ferroviaires constituent le domaine le plus exemplaire pour initier ce type de projet, comme l’a illustré le Plan de relance de la Commission de décembre 2003.

Des agences nationales de régulation ont été créées dans plusieurs secteurs des services (télécommunications, électricité) dans le cadre des politiques de libéralisation. La mise en place d’instances de régulation européennes, articulées avec ces agences nationales, apparaît nécessaire.

 

Plus de pragmatisme devrait être introduit dans la politique européenne de la concurrence. Le dispositif communautaire de contrôle des ententes devrait moins rechercher le maintien d’une concurrence forte considérée en elle même comme un facteur d’efficience. La dimension économique devrait être davantage prise en compte en reconnaissant que dans bien des secteurs la compétitivité des firmes repose sur les liens durables noués entre les différents acteurs, en autorisant des alliances et en proposant des contrats types pour les accords de coopération.

La surveillance des concentrations, devenue le dispositif phare de la politique de la concurrence, devrait également être assouplie. La définition du « marché pertinent », sur lequel le risque de position dominante est apprécié, devrait être élargie au niveau mondial et non limitée à la seule dimension européenne, voire nationale dans certains cas. Une vision dynamique ne se réduisant pas au seul impact sur la concurrence effective et intégrant l’évolution future des marchés devrait prévaloir. Dans l’ensemble la concentration est plus limitée en Europe qu’aux Etats-Unis et les entreprises de taille moyenne y sont plus faibles. En fonction des circonstances, des entreprises européennes devraient pouvoir renforcer leurs positions sans être pénalisées vis-à-vis de concurrents non européens. 

Dans le même esprit, des politiques sectorielles, promouvant des infrastructures ou des investissements spécifiques, pourraient être élaborées en collaboration avec les firmes des secteurs concernés. Les aides d’Etat sont proscrites afin d’éviter que des pratiques unilatérales soient sources de distorsions et ne faussent la concurrence. Seules sont, en théorie, autorisées les aides de portée générale ne bénéficiant pas à certaines entreprises ou à certains secteurs. En pratique des dérogations existent déjà pour les aides en faveur des régions en difficulté, le soutien aux PME, les aides à l’environnement et à la R&D. Les dispositifs de contrôle existants devraient gagner à la fois en souplesse et en cohérence. En souplesse en ne cherchant pas, comme cela est le cas, à promouvoir une stratégie unilatérale de réduction des aides nationales. En cohérence en s’efforçant de davantage articuler le contrôle des aides nationales avec les politiques communautaires existant, par exemple, en matière d’aides régionales financées sur les Fonds structurels ou en matière d’aides à la recherche.

 

La préservation et le  renforcement des services publics

 

Les services publics ou encore « services d’intérêt économique général », selon la terminologie de la Commission, correspondent à la fourniture de biens et services essentiels à la vie quotidienne et à l’exercice de droits fondamentaux de la personne (garantie d’accès à l’énergie, aux soins, aux transports, aux communications, à l’éducation ou à la santé en tout point du territoire, sans discrimination et de manière égale pour tous). Ils contribuent à la cohésion économique, sociale et territoriale. Ils peuvent être rendus, soit par des administrations, soit par des entreprises publiques ou privées, sous certaines conditions. Ils sont au cœur du « modèle européen » mais ont été directement affectés par la politique de libéralisation et d’ouverture à la concurrence depuis les années 1990.

Dans les traités fondateurs de l’UE, comme dans le projet de Constitution, le principe de base demeure celui de la concurrence, même si une place est reconnue aux « services d’intérêt économique général » en autorisant les Etats nationaux à définir, avec une relative autonomie, le champ de leurs services publics. L’OMC constitue, par ailleurs, avec l’Accord général sur le commerce des services (AGCS), un cadre plus général, particulièrement contraignant et inquiétant pour les services publics. La directive Bolkenstein accentue ce phénomène. Dans ce contexte peu favorable trois points peuvent cependant être notés car ils laissent une certaine marge de manœuvre:

 

-La reconnaissance dans les directives de la notion de « réseau », marquée par la persistance de rendements croissants sur certains segments d’activité, justifie le maintien d’un statut de monopole dans les domaines correspondants et laisse la voie ouverte à des interventions publiques, sans que le statut de celles-ci soit clairement explicité.

-L’obligation de « service universel » est également reconnue dans les directives sectorielles, ce dernier étant défini comme « un ensemble de services minimal d’une qualité donnée, accessible à tous et à un prix abordable ».

-Enfin, la mission de « service économique d’intérêt général » a été réaffirmée dans les textes récents, y compris dans la Charte européenne des droits fondamentaux, et dans le projet de Constitution (« L’Union reconnaît et respecte l’accès aux services d’intérêt économique général tel qu’il est prévu par les législations et pratiques nationales afin de promouvoir la cohésion sociale et territoriale de l’Union », Article II-36 ; « L’Union et ses Etats membres, chacun dans les limites de leurs compétences respectives, veillent à ce que ces services fonctionnent sur la base de principes et dans des conditions, notamment économiques et financières, qui leur permettent d’accomplir leurs missions. La loi européenne définit ces principes et ces conditions », Article III-6). Jusqu’à présent ces textes n’ont eu pour l’instant que peu de portée opératoire mais le principe d’une loi européenne peut ouvrir un nouveau cadre juridique.

 

Trois options peuvent être envisagées pour préserver la place des services publics.

 
Une première option revient à laisser au service public le statut d’une dérogation nationale à la concurrence européenne dans le cadre de directives précises qui laisseraient aux Etats la liberté de définir à leur niveau les missions de service public et les modalités de réalisation en fonction de leurs traditions propres (formes de financement, caractère privé ou public des opérateurs).

 
Une deuxième option plus ambitieuse retient le principe d’une directive cadre définissant les fondements des « services d’intérêt général » au niveau communautaire et mettant en place des instances de régulation démocratiques avec la participation des usagers et des citoyens. Une notion de « service public » plus large que le simple « service universel » serait retenue. Cette directive cadre serait ensuite déclinée selon des directives sectorielles pour intégrer les spécificités de chaque secteur. Cette position, défendue par le Parlement européen et certains pays, se heurte à l’opposition de la Commission. La libéralisation ne devrait pas être considérée comme la seule voie et pourrait être combinée avec des formes de coopération entre firmes. Toute nouvelle étape de libéralisation devrait être accompagnée d’une évaluation précise pour prendre en compte les problèmes précédemment évoqués.

 
Une dernière option va plus loin en définissant un socle européen de « services d’intérêt général » qui deviendraient une obligation commune à l’ensemble des Etats avec la définition de missions communes et l’intervention simultanée de régulateurs européens et nationaux. Dans cette perspective la logique de concurrence accrue et de privatisation serait plus clairement encadrée. Mais il n’est pas évident que ce socle européen puisse être aisément défini compte tenu des pratiques passées et des traditions très différentes selon les pays.

 
Vis à vis de l’OMC, dans le cadre des négociations concernant l’AGCS, le mandat de l’UE qui négocie pour l’ensemble des Etats membres devrait s’appuyer sur une conception claire du service public au niveau européen. Les services publics, reconnus comme un moyen pour toute personne d’exercer ses droits fondamentaux, devraient avoir un statut spécifique dans les négociations. La directive Bolkenstein, qui peut entraîner une remise en cause profonde des services publics et de la protection sociale, devrait être amendée en profondeur, les domaines de la santé et de l’éducation apparaissant les plus cruciaux. Elle devrait être replacée dans le cadre d’une directive sur les services publics.

 

Enfin la libéralisation des services réseaux devrait être accompagnée d’une politique industrielle, non seulement au niveau du rôle des régulateurs, nationaux ou européens, gérant les distorsions qui interviennent et prenant en charge les relations entre les entreprises publiques et les entreprises privées, mais aussi au niveau de la mise en place d’une politique d’infrastructures européennes ambitieuse, capable d’accroître la croissance potentielle de l’ensemble de l’UE, et fondée sur une appréciation large des externalités de réseaux.

 

Une politique régionale maintenue et élargie à l’Est

 

Les politiques régionales européennes ont une importance non négligeable puisque les Fonds structurels et les Fonds de cohésion représentaient en moyenne 0.45% du PIB de l’Union de 1994 à 1999 avec des apports financiers beaucoup plus élevés pour les pays du Sud. Mais pour la période 2000-2006 une baisse a été programmée (0.4% du PIB européen par an). L’efficacité des Fonds structurels dans la réduction des inégalités régionales donne lieu à débat. Selon certains ils ne semblent pas avoir un grand impact (Fagerberg et Verspagen, 2000) ou, bien que significatifs au plan économétrique, n’avoir qu’un impact limité. Les Fonds structurels investis dans les infrastructures auraient renforcé la convergence entre les pays en accélérant la croissance des régions déjà favorisées des pays pauvres et sans réduire les inégalités régionales internes. L’efficacité des Fonds structurels serait d’autant plus marquée que la région concernée est plus riche (Martin, 1999).

Sur le plan opérationnel le montage des projets financés dans le cadre des Fonds structurels, puis leur mise en œuvre, supposent des interactions complexes entre les institutions régionales, nationales et européennes. Dans de nombreux pays l’élaboration et la gestion des programmes apparaissent trop centralisées. Entre la lourdeur des dossiers communautaires, les exigences de contrôle au niveau national et le recours au cofinancement, la consommation des fonds structurels est souvent très lente.

Au delà de ces problèmes traditionnels, l’élargissement de l’UE soulève de redoutables défis (Begg, 2002). L’entrée dans l’UE des pays candidats abaisse très sensiblement le revenu moyen par tête et exclut du seuil d’éligibilité aux Fonds structurels (en dessous de 75%) un grand nombre de régions qui en bénéficient actuellement, sans que leur situation ait été en rien modifiée. Selon le rapport sur la cohésion de la Commission (2002), le nombre de régions de l’UE à 15 situées en dessous du seuil tomberait de 46 à 19. Il serait envisageable de relever le seuil, pour le porter, par exemple, au niveau de celui des Fonds de cohésion (90% du revenu par tête de l’UE) mais l’on se heurterait alors à des contraintes budgétaires difficiles à surmonter dans le cadre d’un budget européen plafonné à 1.27% du PIB européen. S’agissant des nouveaux entrants, il est envisagé de limiter les transferts à 4% du PIB par pays pour tenir compte des capacités d’absorption limitées, telles qu’elles ont pu être observées lors de l’élargissement aux pays de l’Europe du Sud. Ceci donnerait un coût estimé entre 0.18% et 0.38% du PIB de l’UE, selon que les calculs sont effectués à prix courants ou à la PPA. Une telle enveloppe financière ne paraît pas insupportable.

 

Deux scénarios peuvent être esquissés dès lors que l’on écarte la stratégie de redéploiement intégral de la politique régionale en direction des seuls PECO, comme cela a été avancé dans le rapport Sapir.

-Le scénario le plus favorable est celui d’un budget européen qui serait accru dans des proportions significatives (autour de 5% du PIB à horizon de quelques années). Ceci donnerait plus de marge de manœuvre pour, par exemple, accroître le seuil d’éligibilité des Fonds structurels. Un plus grand nombre de régions moins développées pourrait ainsi bénéficier de transferts, en particulier dans les pays les moins avancés de l’UE à 15, ce qui préserverait les mécanismes de solidarité dans l’ensemble de l’UE.

-Dans l’hypothèse où une telle évolution ne pourrait être retenue en raison des contraintes politiques, un compromis moins ambitieux pourrait être recherché. Comme lors des précédents élargissements, de nouveaux Fonds structurels pourraient être créés en faveur des pays nouveaux entrants avec une enveloppe maximum de 0.4% du PIB de l’UE. Un tel volume de financement pourrait être assuré grâce à de nouveaux instruments émis par la BEI et la BERD. Les actuels Fonds structurels et Fonds de cohésion seraient repartagés entre les pays de l’UE à 15 avec une renégociation du seuil d’éligibilité et des modalités d’attribution.

Dans les deux scénarios la procédure des Fonds structurels devrait être réformée pour en accroître l’efficacité. Plus d’autonomie devrait être donnée aux plans de développement locaux, régionaux et nationaux dans lesquels les Fonds structurels jouent un rôle de cofinancement en allégeant les procédures de contrôle de la Commission. Une plus grande articulation serait réalisée avec les programmes technologiques européens et les programmes d’infrastructures trans-européennes précédemment évoqués.

 

Une politique agricole commune réformée

 

Face aux problèmes bien réels posés par la PAC, les propositions de réforme ont été nombreuses et la PAC a effectivement été infléchie depuis les années 1980. Depuis la fin des années 1990 la pression pour une réforme plus radicale s’est renforcée. La tendance générale a été de réintroduire le marché. En pratique, quatre séries de propositions peuvent être distinguées.

-La renationalisation de la PAC, c'est-à-dire sa suppression, est une tentation très présente au Royaume-Uni et se trouve également dans le rapport Sapir (2003). La position britannique est favorable aux libres importations de produits agricoles avec un système de prix garantis pour les agriculteurs, la différence entre les prix garantis et les prix de vente fixés par le marché étant couverte par des subventions qui seraient re-nationalisées et gérées d’une manière autonome dans chaque Etat. Cette position est, en apparence, habile car ouverte aux importations des pays en voie de développement (PVD) et conforme aux principes libre-échangistes. Elle pose plusieurs problèmes. Les consommateurs supporteraient les effets de la forte instabilité des marchés agricoles. La fixation du prix garanti est délicate, ainsi que celle du niveau de production. Si celui-ci est libre, on retrouve les risques de surproduction. La définition de quotas individuels serait nécessaire, mais est rarement mise en avant.

-La Commission cherche à réformer la PAC pour en réduire le coût dans le contexte de l’élargissement, pour retrouver des marges de manœuvre budgétaires et pour rendre la PAC acceptable dans les négociations internationales. La position de la Commission est de modifier la nature des aides en passant d’aides aux surfaces ou par bête à des aides aux pratiques agricoles et à la production d’aménités. Le « découplage » des aides vis-à-vis de la production serait ainsi réalisé et la production, comme les prix, serait orientée par le marché. Cette position, qui rejoint celle de l’Allemagne, a le mérite de favoriser les « bonnes pratiques ». Mais sa référence au marché, qui demeure centrale, est problématique puisque l’histoire montre l’incapacité du marché à assurer une bonne régulation dans le domaine agricole. Le compromis auquel sont parvenus les ministres de l’Agriculture en juin 2003 est un mélange curieux, peu cohérent, sans doute transitoire et surtout destiné à donner une meilleure figure dans les négociations internationales. Le découplage commencera en 2005 ou 2007 selon les pays. Il ne sera que partiel pour certains produits, d’autres y échapperont.

-Dans le cadre de l’élargissement aux Pays de l’Europe de l’Est, les problèmes agricoles occupent une place centrale. Les aides communautaires ont été plafonnées à 25% des montants actuels par hectare ou par bête avec une montée progressive pour atteindre 100% en 2013. Ce plafonnement, mal vécu dans les pays nouveaux entrants, est justifié, du point de vue de la Commission, par les contraintes imposées par l’enveloppe budgétaire actuelle, par la crainte d’un accroissement incontrôlé des excédents agricoles en cas d’aides plus importantes et, enfin, par les problèmes de redistribution des revenus internes aux pays candidats que poseraient des aides d’un montant trop élevé par rapport à la moyenne des revenus nationaux.

-Les négociations internationales dans le cadre de l’OMC soulèvent une dernière série de questions. Au sein de l’OMC le débat est mal engagé avec les pays anglo-saxons qui cherchent à préserver et promouvoir leurs intérêts derrière des propositions séduisantes (acceptation des aides favorisant les « bonnes pratiques », réduction progressive des aides sources de distorsions, défense des PVD par les pays du groupe de Cairns qui ne ferait que favoriser les pays agricoles hautement productifs et nullement les PVD les plus démunis). Les USA ont renoué dans le cadre du Farm Bill de 2002 avec la pratique des prix garantis, même s’ils mettent à nouveau en avant, et non sans hypocrisie, leur volonté de réduire ces aides agricoles et de revenir, à terme, aux mécanismes du marché. Un démantèlement mal conduit de la PAC au sein de l’OMC aurait des conséquences négatives sur les agriculteurs européens et, plus généralement, sur les économies européennes, sans apporter de remèdes pour les PVD à agriculture traditionnelle.

 

Dans ce contexte il est préférable de revenir aux principes « rooseveltiens » qui ont servi de fondements à la politique agricole au milieu des années 1930 et de clairement reconnaître l’ « exception agricole ». Les produits agricoles ne peuvent être régis par les seules lois du commerce international. L’instabilité des marchés agricoles, en accroissant les risques, a des effets très négatifs sur l’ensemble des activités agricoles qui, à moyen terme, dépassent largement les gains résultant de l’exploitation des avantages comparatifs (risque de désertification et de déstructuration des zones rurales des pays européens, absence de toutes activités alternatives à court-moyen terme dans les pays les plus pauvres). Les effets bénéfiques du développement des échanges ne peuvent se manifester que si les effets pervers des marchés libres sont corrigés par des mesures de politique agricole, aussi bien dans les pays développés que dans les PVD. Les leçons du passé montrent que ceci passe par des mesures de soutien des prix, à condition d’empêcher les phénomènes de surproduction par des mesures de contrôle de la production (Boussard, 2003).

Les systèmes de prix garantis doivent donc être couplés avec des quotas de production. Ces prix doivent être suffisamment élevés pour inciter les agriculteurs à produire. Les quotas doivent être individualisés et fixés de telle sorte que la somme des quotas individuels (et nationaux) soit légèrement inférieure à la consommation totale de l’UE. On évite ainsi la surproduction et on laisse le marché libre faire l’ajustement entre la demande intérieure européenne et l’offre intérieure et mondiale. Dans ce cadre les importations sont donc libres. Mis en place au niveau de l’ensemble de l’UE, un tel mécanisme contribuerait à stabiliser le système mondial. Les prix à la consommation sont déterminés à partir des prix mondiaux, les consommateurs subissant le contrecoup des fluctuations des marchés internationaux. La différence entre prix à la consommation et prix garantis aux agriculteurs est couverte par des subventions publiques. Les prix garantis sont différents par zones en fonction des niveaux de développement et de productivité. Les quotas de production sont échangeables, mais pas entre zones différentes, pour éviter des phénomènes de concentration géographique. Enfin les quotas individuels peuvent être utilisés pour réduire la production, notamment dans le cas des grosses exploitations. Les quotas de production sont générateurs de rentes qui peuvent être appréciées à travers les variations des prix des quotas (puisque ceux-ci sont commercialisables). Des négociations régulières peuvent permettre de limiter une hausse excessive de la rente.

 

Dans ce cadre l’intégration des pays de l’Europe de l’Est pourrait s’effectuer sur une base plus équilibrée sans distorsion de traitement entre les pays puisque les mêmes règles s’appliqueraient. Les quotas seraient évalués dans chaque pays sur une base historique, avec des productions dont les possibilités de croissance future seraient limitées, ce qui écarterait les craintes de surproduction. Les prix garantis seraient suffisamment élevés pour assurer une progression significative du revenu des agriculteurs et permettre une modernisation des méthodes de production. Ils devraient, en revanche, ne pas l’être trop pour éviter une distorsion avec l’évolution des revenus non agricoles.

De même une solution plus équilibrée pourrait être obtenue au niveau des Accords euro-méditerranéens. Le principe de libre importation ouvrirait des possibilités nouvelles aux agricultures de ces pays. Mais ces pays ont tendance à avoir une structure déficitaire de leurs échanges de produits agricoles du fait de la montée des importations de céréales, résultant de la pression démographique. Ils sont confrontés à la nécessité de développer une autosuffisance alimentaire, ce qui supposerait la définition de politiques agricoles actives assez éloignées des principes du libre échange.

 Au total, la solution proposée pose deux types de problèmes.

-La fixation de prix garantis est toujours un exercice difficile, source de négociations délicates où s’exercent de multiples pressions. L’expérience accumulée au niveau européen par 40 années de PAC ne rend cependant pas l’exercice impossible. L’existence de renégociations périodiques est une garantie que les ajustements nécessaires pourront être réalisés.

- Cette proposition de réforme de la PAC est en décalage avec les règles de l’OMC, ce qui ne doit pas surprendre puisqu’elle repose sur l’idée que les produits agricoles ne peuvent être régis par les seules lois du commerce international. Dans le cadre de l’OMC les subventions à l’agriculture ne sont autorisées que d’une manière restrictive. Certaines sont acceptables (« boîte verte » : aides à l’environnement, aides au développement rural, etc) mais reposent sur le principe du « découplage » (pas de lien avec les niveaux de production ou les prix en vigueur). D’autres ne le sont pas (« boîte orange » : mesures de soutien des prix ou subventions liées aux quantités produites) ou devraient être progressivement réduites. La catégorie « boîte bleue » est intermédiaire et correspond au cas où les agriculteurs sont obligés de limiter leur production, ce qui peut être considéré comme le cas avec les quotas.

 

Une politique commerciale européenne plus équilibrée

 

De nouvelles orientations pour l’OMC

 

Pour les pays développés l’OMC est un lieu de négociation où l’on s’échange des concessions pour limiter les conflits contreproductifs en cherchant à construire un cadre pour un commerce international régulé fondé sur le respect de la concurrence et profitant à tous de manière équilibrée. Son mode de fonctionnement actuel en fait un des instruments privilégiés de diffusion des politiques libérales en imposant des règles de libéralisation uniformes sans tenir compte, ni des spécificités nationales (choix en faveur d’un modèle moins inégalitaire, modèle social), ni des niveaux inégaux de développement. L’OMC est largement dominé par les grandes puissances, Etats-Unis et UE en premier lieu, qui contribuent à fixer à l’avance les grandes lignes des négociations. Ce mode de fonctionnement fait de plus en plus l’objet de critiques de la part de coalitions larges et souvent hétéroclites qui peuvent contribuer au blocage des négociations. Mais l’appareil demeure intact avec ses procédures lourdes et complexes et le processus de libéralisation se poursuit au service des intérêts dominants.

 

Trois points pourraient être mis en avant par l’UE, une démocratisation de l’OMC, la réintroduction d’un traitement plus différencié des dossiers, enfin le respect de droits fondamentaux.

 

-Une démocratisation de l’OMC est nécessaire pour retirer le pouvoir de contrôle de fait exercé par les grandes puissances et établir un mode de fonctionnement plus équilibré. Cela implique un renforcement du poids des pays en développement au sein de l’OMC qui dépasse la simple règle formelle existant actuellement un pays, une voix. La fixation des ordres du jour devrait résulter de négociations globales dans une plus grande transparence. Les présidences des conférences et des groupes de travail devraient fonctionner d’une manière plus équilibrée. Le fonctionnement de l’ORD devrait être revu en profondeur.

 

-Les règles de libéralisation ne devraient plus s’appliquer d’une manière uniforme vis-à-vis des pays en développement et devraient prendre en compte les inégalités de développement. Le principe du traitement différencié a été vidé de sa substance avec la vague de libéralisation. Il devrait retrouver sa place au sein de l’OMC en admettant que les contraintes ne devraient pas s’exercer de la même façon compte tenu des obstacles au développement existants. Des mécanismes de redistribution au niveau mondial pourraient être inclus dans les principes de l’OMC en fonction du niveau de développement. Les pays en développement pourraient ainsi bénéficier d’un assouplissement dans la gestion des Droits de Propriété Intellectuelle (DPI), à l’image de ce qui a commencé à être obtenu pour les médicaments, ou maintenir certaines protections en termes d’ouverture de marchés, de politique de marchés publics ou d’accueil des investissements étrangers.

 

-Le respect de droits fondamentaux (droit à la santé, respect de normes fondamentales de travail, défense des services publics reconnus comme un moyen pour toute personne d’exercer ses droits fondamentaux) devrait être mis en avant à côté de la préservation de l’environnement qui est déjà reconnu par l’OMC. Il ne devrait pas être perçu comme un alibi risquant de faire renaître des pratiques protectionnistes remettant en cause le principe de libre concurrence, comme cela est souvent dénoncé par les experts de l’OMC.

 

De nouveaux axes de négociation

 

Ceci pourrait conduire l’UE à proposer de nouvelles orientations au sein de l’OMC par rapport aux pays en développement et par rapport aux autres pays industrialisés. Le fonctionnement de l’ORD devrait d’autre part être revu en profondeur.

 

Vis-à-vis des pays en développement les pays du Nord devraient négocier des asymétries favorables pour leur permettre de rattraper leur retard de développement à horizon de 20 ans. Plusieurs domaines sont concernés dans cette perspective.

Des protections temporaires pourraient être acceptées, tout en se combinant avec la poursuite de l’ouverture des pays du Nord. Contrairement aux positions actuellement mises en avant, l’UE cesserait de contraindre les pays à ouvrir davantage leurs marchés et de s’opposer à ceux qui refusent d’abaisser leurs droits de douane. Une approche plus souple et moins arrogante, prenant davantage en compte les spécificités de chaque pays ou de chaque zone, devrait prévaloir.

Une asymétrie de même nature devrait aussi exister pour les « sujets de Singapour » qui concernent la concurrence, l’investissement international, l’accès aux marchés publics et la facilitation des échanges. Comme cela a déjà été décidé en juillet 2004, l’UE ne devrait plus mettre en avant ces questions, même ramenées aux deux dernières. L’UE devrait aussi cesser de promouvoir des négociations sur ces thèmes avec les pays prêts à le faire dans le cadre du plurilatéralisme.

Les accords régionaux précédemment passés, comme ceux de Cotonou ou d’Euro-Med, devraient être infléchis dans la même direction. Si la libéralisation intra-zone doit bien être encouragée pour accroître l’intégration régionale, des asymétries favorables aux régions moins développées devraient être négociées.

Les accords sur les DPI devraient être assouplis en faveur des pays en développement afin de favoriser la promotion d’industries nationales : réduction de la durée des brevets, introduction de dérogations aux règles sur l’imitation, 

Des transferts seraient reversés aux pays d’origine fournisseurs de main d’œuvre qualifiée pour couvrir les coûts d’éducation supportés par ces pays. Ce type de reversement rendrait plus acceptable la politique d’accueil de main d’œuvre qualifiée temporaire actuellement proposée par l’UE.

Enfin l’aide aux pays en développement, actuellement faible mais mal affectée et mal utilisée, devrait être accrue à condition d’être radicalement transformée dans son mode de gestion.

 

Vis-à-vis des autres pays industrialisés et, en premier lieu, vis-à-vis des Etats-Unis, l’UE devrait mettre en avant dans sa politique commerciale les spécificités du modèle européen qu’elle entend préserver en ne se limitant pas à la seule exception culturelle. Au premier rang se trouvent le « modèle social européen » et ses implications en termes de politique de santé et de politiques redistributives, mais aussi les services publics qui ne se réduisent pas au simple service universel. Cette question renvoie à la renégociation de l’AGCS sur laquelle on revient plus loin.

L’UE devrait d’autre part rechercher un rééquilibrage des positions des différents partenaires dans, au moins, trois domaines, les marchés publics et les marchés financiers européens qui ont été ouverts sans contrepartie aucune et où le principe de réciprocité devrait être la règle, les droits de propriété intellectuelle où l’UE est de plus en plus sur la défensive.

En matière de DPI les insuffisances de la recherche dans l’UE jouent un rôle essentiel. L’incapacité à mettre en place un véritable brevet communautaire valable pour toute l’UE devrait également être surmontée. Le poids des lobbies des Offices nationaux est ici en cause, mais aussi l’insuffisance de certains tribunaux nationaux compétents en la matière combinée avec l’absence d’un tribunal européen. A côté de ces faiblesses proprement européennes, les positions excessivement dominatrices des Etats-Unis, notamment en ce qui concerne le brevetage du vivant, devraient être plus fermement combattues (Coriat, 2002).

 

Le fonctionnement de l’ORD devrait être profondément revu pour le rendre moins défavorable aux pays en développement. Tout en garantissant le principe du multilatéralisme, l’ORD devrait être déprivatisé et placé sous le contrôle des Nations Unies. Il conviendrait de bien séparer les secteurs ou les domaines susceptibles de faire, sans restrictions, l’objet de négociations au sein de l’OMC de ceux qui devraient être placés sous l’égide des instances compétentes des Nations Unies pour que des règles et des normes soient définies. L’OMC serait alors chargée d’appliquer des sanctions commerciales dans ce cadre. Par exemple, pour les DPI sur les médicaments l’OMS devrait être le lieu de définition des règlements en matière de DPI et d’échanges en fonction des besoins et de l’état sanitaire des populations. Pour les produits agricoles une distinction devrait être faite entre les produits naturels et les OGM dont la réglementation du commerce devrait être établie avec les instances compétentes de la FAO. Pour les biens industriels et les services sans spécificité les négociations s’intégreraient sans restriction dans le cadre de l’OMC. S’agissant enfin des normes sociales, l’aide au développement constitue sans doute le moyen le plus efficace pour favoriser un meilleur respect de celles-ci dans les pays en développement. Cependant, pour permettre à l’OIT de jouer son rôle de contrôle dans ce domaine, des sanctions commerciales pourraient être imposées dans le cadre de l’OMC aux pays ne respectant les normes fondamentales de travail. Enfin une institution globale relevant des Nations Unies couvrirait et coordonnerait les différentes instances sectorielles de l’OMS, la FAO ou de l’OIT mises à contribution pour définir ces règles et ces normes. Une légitimité politique et une meilleure coordination serait ainsi assurée (Cling and alii, 2003).

Sur un plan plus opérationnel les mécanismes des sanctions prévues dans l’OMC devraient être revus pour renforcer leur efficacité en prévoyant des réparations pour les dommages subis et en mettant effectivement à contribution les secteurs à l’origine de la condamnation, ce qui n’est pas le cas actuellement. Enfin, en raison de la complexité des dossiers traités à l’ORD, les pays les moins avancés devraient bénéficier d’un soutien technique spécifique.

 

Au niveau de la forme, les négociations devraient être conduites au nom de l’UE, non par un Commissaire faisant des propositions, puis obtenant un mandat de négociation de la part du Conseil, mais par un représentant du Conseil, un Mr Commerce, qui aurait une légitimité politique plus claire comme représentant des gouvernements nationaux.

 

Renégocier l’AGCS

 

Les offres de libéralisation de la Commission de 2003 ont été, selon ses propres termes, « significatives et substantielles ». Si l’éducation, la santé et la culture sont restées en dehors et si les objectifs de service universel sont préservés dans la poste et les télécommunications, aucune garantie réelle n’existe pour les négociations à venir dans le cadre actuel de l’AGCS Dans son principe l’AGCS pousse à une libéralisation progressive et générale. De nombreuses déclarations montrent que la santé et l’éducation sont à terme particulièrement visées (Jennar, 2003).

 

Pour éviter une telle dérive, il est essentiel que le mandat de l’UE qui négocie pour l’ensemble des Etats membres s’appuie sur une conception claire du service public au niveau européen allant au-delà de la simple notion de service universel. Les services publics correspondent à la fourniture de biens et de services essentiels à la vie quotidienne et à l’exercice de droits fondamentaux de la personne. Ils contribuent d’une manière essentielle à la cohésion économique et sociale du territoire. Ils devraient avoir un statut spécifique dans les négociations de manière à être clairement écartés de toute offre ultérieure de libéralisation.

 

 

  1. Les conditions de mise en œuvre

 

A titre de simple ordre de grandeur, le coût total de la politique précédemment esquissée peut être estimée à 2% du PIB de l’UE à 15 en moyenne par an, à plein régime, avec la décomposition suivante : aide à la recherche 0.4%, politique industrielle et grands programmes 0.4%, politique régionale en direction des PECO 0.4%, Fonds de stabilisation de l’emploi 0.3%, Fonds social 0.5%. La PAC et la politique régionale tournée vers l’UE à 15 sont supposées conserver des montants globalement inchangés.

Si l’enveloppe financière demeure d’une ampleur acceptable, les conditions de mise en œuvre sont difficiles dans le contexte actuel. Une montée en régime, même très progressive, du Budget européen parait peu réaliste. Les blocages apparus dans l’UE à 15 ne seront que renforcés dans l’UE élargie. Il convient dès lors de distinguer ce qui peut être envisagé au niveau de l’UE à 25 pour éviter la dilution dans une sorte d’Organisation des Nations Unies de l’Europe soumise à une concurrence renforcée et à des inégalités croissantes et ce qui peut être reconstruit sur une base plus réduite pour davantage impulser la croissance à moyen terme, tout en répondant mieux aux contraintes du pilotage à court terme.

 

Assurer la cohésion de l’Europe élargie

 

L’élargissement de l’UE était nécessaire au plan politique mais la préservation de la cohésion de l’UE élargie ne sera pas aisée. Si les effets attendus pour les PECO sont positifs à moyen terme, les risques de ralentissement à court terme, d’accroissement des inégalités et de polarisation des activités sont réels. L’extension de la politique régionale et de la PAC aux PECO apparaît nécessaire dans cette perspective. La politique régionale devrait être articulée avec certains des grands programmes technologiques et d’infrastructures envisagés par ailleurs. Enfin, pour accroître les marges de manœuvre à court terme, la politique de change devrait éviter une intégration trop rapide dans la zone euro malgré la tentation de certains PECO. En contrepartie, les pays de la zone euro devrait fournir une aide à la stabilisation financière. Au total, en supposant que l’extension de la PAC se fait à enveloppe constante grâce à la réforme engagée, la charge de financement concernerait essentiellement l’extension de la politique régionale qui pourrait se faire par le biais de nouveaux instruments émis par la BEI et la BERD. A cela s’ajouterait la montée en régime progressive du Fonds social européen.

 

Accroître les capacités de réponse de la zone euro

 

L’UE à 15 se trouve coupée en deux, la zone euro et la zone hors euro, pour une période sans doute assez longue. Les conséquences sur les modalités de régulation à court terme sont loin d’être négligeables. Les capacités de réponse de la zone euro doivent être améliorées, ce qui passe par un renforcement des moyens d’action de l’Eurogroupe, une réforme profonde du PSC, un élargissement des objectifs de la BCE et une réelle coordination avec l’Eurogroupe, une prise en compte de la politique salariale, enfin la mise en place d’un Fonds de stabilisation de l’emploi pour gérer les chocs asymétriques. Seule cette dernière mesure aurait une incidence budgétaire. Resterait enfin à définir à court terme un dernier instrument, à vocation non permanente, pour soutenir la croissance, par exemple sous forme de possibilité d’un emprunt européen avec reversement aux états-membres pour financer des plans de relance. Il est vraisemblable que les progrès demeureront très inégaux sur ces différents points, notamment en raison de l’hétérogénéité des pays de la zone euro et de leur divergence de points de vue, ce qui risque d’entraîner des difficultés persistantes. La question de savoir si des progrès plus importants pourraient être réalisés sur une base plus réduite demeure ouverte.

 

Mobiliser des ressources autour de grands programmes structurants

 

Les politiques structurelles pourraient ouvrir davantage d’opportunités pour des programmes à la carte dans différents domaines : schémas directeurs et grands programmes dans les transports, les télécommunications ou l’énergie avec, pour la réalisation, la mise en place d’opérateurs européens dotés de budgets autonomes ; création par grands domaines d’agences européennes technologiques et d’agences européennes de recherche. Les possibilités de coopérations renforcées prévues dans le projet de Constitution ouvrent des voies utiles mais les modalités de mise en œuvre devraient en être facilitées, notamment en simplifiant les critères devant être respectés. Le type de dépenses (investissements soutenant la croissance à moyen terme) et les volumes de financement à trouver justifient le recours à des emprunts mobilisant de nouveaux instruments de la BEI ou de la BERD. Cette perspective peut s’avérer fructueuse mais les expériences passées ont montré la lourdeur et la lenteur de ces opérations. L’impact à moyen terme pourrait donc n’être que quantitativement limité, sauf si une impulsion d’une ampleur considérable était donnée à ce processus.

 

Bibliographie

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[1] Ces orientations se retrouvent en partie dans les Euro-memorandum publiés chaque année depuis 1996 par le groupe de « Economistes européens pour une politique économique alternative en Europe » ; www.memo-europe.uni-bremen.de. Elles sont présentées d’une manière plus complète dans un ouvrage collectif édité par Jorg Huffschmid « Economic policy for a Social Europe : a critique of neo-liberalism and proposals for alternative », à paraître aux éditions Palgrave, Royaume-Uni en septembre 2005. Les dimensions plus politiques ayant trait à l’exercice de la démocratie et au rôle respectif du Conseil, de la Commission, des parlements nationaux et européen sont laissées de côté.


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